12 juillet 2009 7 12 /07 /juillet /2009 18:15



Extrait de l’homélie prononcée par le Pape Benoît XVI lors de la messe célébrée à la Cathédrale de St Patrick à New York, le 19 avril 2008.

 

Je suis particulièrement heureux que nous soyons réunis dans la cathédrale Saint-Patrick. Peut-être plus que toute autre église aux Etats-Unis, ce lieu est connu et aimé comme "une maison de prière pour tous les peuples" (cf. Is 56, 7 ; Mc 11, 17). Chaque jour, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants entrent par ses portes et trouvent la paix à l'intérieur de ses murs. Mgr John Hughes qui (…) fut le promoteur de la construction de ce vénérable édifice, voulut l'ériger en pur style gothique. Il voulait que cette cathédrale rappelle à la jeune Eglise en Amérique la grande tradition spirituelle dont elle était l'héritière, et qu'elle l'inspire à apporter ce qu'il y avait de mieux dans ce patrimoine, dans l'édification du Corps du Christ dans ce pays. Je voudrais attirer votre attention sur quelques aspects de cette très belle structure qui peut servir il me semble, de point de départ pour une réflexion sur nos vocations particulières dans l'unité du Corps mystique.

Le premier aspect concerne les vitraux qui inondent l'intérieur d'une lumière mystique. Vues de l'extérieur, ces fenêtres semblent sombres, lourdes et même lugubres. Mais quand on entre dans l'église, elles prennent soudain vie ; elles reflètent la lumière qui les traversent en révélant toute leur splendeur. De nombreux écrivains – ici en Amérique, nous pouvons penser à Nathaniel Hawthorne – ont utilisé l'image des vitraux pour illustrer le mystère de l'Eglise elle-même. Ce n'est que de l'intérieur, à partir de l'expérience de la foi et de la vie ecclésiale, que nous voyons l'Eglise telle qu'elle est vraiment : inondée de grâce, resplendissante de beauté, décorée des multiples dons de l'Esprit. Ceci veut dire que nous qui vivons la vie de la grâce dans la communion de l'Eglise, sommes appelés à attirer toutes les personnes à l'intérieur de ce mystère de lumière.

Ce n'est pas une tâche facile dans un monde qui peut être enclin à regarder l'Eglise comme ces vitraux, "de l'extérieur" : un monde qui sent un profond besoin de spiritualité mais qui a du mal à "entrer dans" le mystère de l'Eglise. Même pour certains de nous, à l'intérieur, la lumière de la foi peut être atténuée par la routine et la splendeur de l'Eglise peut être voilée par les péchés et les faiblesses de ses membres. Elle peut aussi être voilée par les obstacles rencontrés dans une société qui semble parfois avoir oublié Dieu et qui recule devant les demandes les plus élémentaires de la morale chrétienne. Vous qui avez consacré votre vie à rendre témoignage à l'amour du Christ et à l'édification de son Corps, vous savez, grâce à votre contact quotidien avec le monde autour de nous, combien on est parfois tenté de céder à la frustration, à la désillusion et même au pessimisme pour l'avenir. En un mot, ce n'est pas toujours facile de voir la lumière de l'Esprit autour de nous, la splendeur du Seigneur ressuscité qui éclaire notre vie et donne une nouvelle espérance dans sa victoire sur le monde (cf. Jn 16, 33).

La parole de Dieu nous rappelle toutefois que dans la foi, nous voyons les cieux ouverts et la grâce de l'Esprit Saint illuminer l'Eglise et apporter une espérance sûre à notre monde.
Seigneur, mon Dieu, chante le psalmiste, "tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre" (Ps 104, 30). Ces paroles évoquent la première Création, quand "le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux" (Gn 1, 2). Et elles poussent notre regard en avant vers la nouvelle Création, lors de la Pentecôte, quand l'Esprit Saint descendit sur les apôtres et instaura l'Eglise, comme les premiers fruits de l'humanité sauvée (cf. Jn 20, 22-23). Ces paroles nous exhortent à avoir une foi toujours plus profonde dans le pouvoir infini de Dieu de transformer toute situation humaine, de créer la vie à partir de la mort et d'éclairer également la nuit la plus sombre. Et elles nous font penser à une autre très belle phrase de saint Irénée : "Là où se trouve l'Eglise, se trouve l'Esprit de Dieu ; là où se trouve l'Esprit de Dieu, se trouve l'Eglise et toute grâce" (Adv. Haer. III, 24, 1).

Ceci m'amène à une autre réflexion sur l'architecture de cette église. Comme toutes les cathédrales gothiques, elle a une structure très complexe, dont les proportions précises et harmonieuses symbolisent l'unité de la Création de Dieu. Les artistes du Moyen Age représentaient souvent le Christ, la Parole créatrice de Dieu, comme un "géomètre" céleste, le compas en main, qui ordonne le cosmos avec une infinie sagesse et détermination. Une telle image ne nous fait-elle pas penser à notre besoin de voir toute chose avec les yeux de la foi, afin de pouvoir ainsi les comprendre dans leur perspective la plus vraie, dans l'unité du plan éternel de Dieu? Ceci exige, nous le savons, une conversion continuelle et l'engagement à "nous renouveler par une transformation spirituelle de notre jugement" (cf. Ep 4, 23), pour acquérir une mentalité neuve et spirituelle. Ceci exige aussi le développement des vertus qui permettent à chacun de nous de grandir en sainteté et de porter des fruits spirituels dans notre état de vie.
Cette conversion "intellectuelle" permanente n'est-elle pas aussi nécessaire que la conversion "morale" pour que nous puissions grandir dans la foi, discerner les signes des temps et contribuer personnellement à la vie et à la mission de l'Eglise?

Je crois que l'une des grandes désillusions qui ont suivi le Concile Vatican II avec son exhortation à un engagement plus grand dans la mission de l'Eglise pour le monde, a été pour nous tous l'expérience de la division entre groupes différents, générations différentes et membres différents de la même famille religieuse. Nous ne pouvons avancer que si nous fixons ensemble notre regard sur le Christ! A la lumière de la foi nous découvrirons alors la sagesse et la force nécessaires pour nous ouvrir à des points de vue qui peut-être ne coïncident pas entièrement avec nos idées ou nos suppositions. Nous pourrons ainsi considérer les points de vue des autres, qu'ils soient plus jeunes ou plus âgés que nous, et enfin écouter "ce que l'Esprit dit" à chacun de nous et à l'Eglise (cf. Ap 2, 7). Nous avancerons ainsi ensemble vers le véritable renouveau spirituel que voulait le Concile, un renouveau qui ne peut que renforcer l'Eglise dans la sainteté et dans l'unité indispensables pour la proclamation de l'Evangile dans le monde d'aujourd'hui.

(…) Chers amis, ces considérations me conduisent à faire une dernière observation concernant cette grande cathédrale dans laquelle nous nous trouvons.
L'unité d'une cathédrale gothique, nous le savons, n'est pas l'unité statique d'un temple classique, mais une unité née de la tension dynamique de forces diverses qui poussent l'architecture vers le haut, l'orientant vers le ciel. Ici aussi nous pouvons voir un symbole de l'unité de l'Eglise qui est l'unité – comme nous l'a dit saint Paul – d'un corps vivant composé de plusieurs membres différents, chacun avec son rôle et son but. Nous voyons ici également la nécessité de reconnaître et respecter les dons de chaque membre du corps comme "des manifestations de l'Esprit en vue du bien commun" (1 Co 12, 7). Dans la structure de l'Eglise voulue par Dieu il faut certes distinguer les dons hiérarchiques des dons charismatiques (cf. Lumen gentium, n. 4). Mais la variété même et la richesse des grâces accordées par l'Esprit nous invitent constamment à discerner comment inscrire ces dons de façon juste dans le service de la mission de l'Eglise (…). Car l'Esprit ne cesse jamais de répandre ses dons en abondance, de susciter de nouvelles vocations et de nouvelles missions et de guider l'Eglise (…) à la vérité tout entière (cf.Jn 16, 13).

Tournons donc notre regard vers le haut! Et avec une grande humilité et confiance demandons à l'Esprit de nous donner chaque jour les moyens de grandir dans la sainteté qui fera de nous des pierres vivantes dans le temple qu'Il est précisément en train d'élever maintenant au cœur du monde.
Si nous devons être de véritables forces d'unité, soyons les premiers à chercher une réconciliation intérieure à travers la pénitence! Pardonnons les offenses subies et réprimons tout sentiment de colère et de dispute! Soyons les premiers à faire preuve de l'humilité et de la pureté de cœur nécessaires pour s'approcher de la splendeur de la vérité de Dieu! Dans la fidélité au dépôt de la foi confié aux apôtres (cf. 1 Tm 6, 20), soyons de joyeux témoins de la force transformatrice de l'Evangile!

(…) Les pointes des tours de la cathédrale de saint Patrick sont largement dépassées par les gratte-ciel sur la ligne d'horizon de Manhattan ; cependant, dans le cœur de cette métropole affairée elles sont le signe vivant qui rappelle la nostalgie constante de l'esprit humain de s'élever vers Dieu. Au cours de cette célébration eucharistique, remercions le Seigneur car il nous permet de le reconnaître dans la communion de l'Eglise et de collaborer avec Lui, en édifiant son Corps mystique et en portant sa parole salvifique comme Bonne Nouvelle aux hommes et femmes de notre temps. Et lorsque nous sortirons de cette grande église, allons comme des hérauts de l'espérance au cœur de cette ville et dans tous les lieux où la grâce de Dieu nous a placés. L'Eglise en Amérique fera ainsi l'expérience d'un nouveau printemps dans l'Esprit et indiquera le chemin vers l'autre ville plus grande, la nouvelle Jérusalem, dont la lumière est l'Agneau (cf. Ap 21, 23), car Dieu est aussi en train de préparer un banquet de joie et de vie infinies pour tous les peuples. Amen.

Au terme de la messe le Pape improvise avec les paroles suivantes
 :

Je ne peux en ce moment que vous remercier de votre amour pour l'Eglise et pour notre Seigneur, et de l'amour dont vous faites preuve également pour le pauvre Successeur de Pierre. J'essaierai de faire tout mon possible pour être un digne successeur du grand apôtre, qui était aussi un homme avec ses défauts et ses péchés, mais qui resta à la fin la pierre de l'Eglise. Et ainsi, moi aussi, avec toute ma pauvreté spirituelle je peux être en ce temps, en vertu de la grâce du Seigneur, le Successeur de Pierre.



Lire le texte intégral de l'homélie du Pape Benoît XVI 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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