18 juillet 2006 2 18 /07 /juillet /2006 23:35

Demain jeudi, le capitaine de l’équipe de France de football finaliste du dernier Mondial, Zinedine Zidane, se rendra au siège de la Fédération Internationale de Football à Genève pour être entendu par la Commission de discipline de la FIFA au sujet de son malheureux geste sur le défenseur italien, Marco Materazzi, en finale de la Coupe du Monde.

Ce fait divers, dérisoire en apparence, soulève pourtant de nombreuses questions dans mon âme de chrétien. Non pas tant du fait de l’agression de Zidane elle-même, que des explications données par celui-ci quelques jours plus tard sur les plateaux de télévision.

Si Zidane, en effet, s’est excusé auprès des enfants du monde entier et de tous les éducateurs, insistant sur le fait que son coup de tête n’était en aucun cas un exemple, il a cependant affirmé ne rien regretter de son geste devant la gravité, selon lui, des insultes proférées par le joueur italien.

« Je m’(…) excuse auprès des enfants qui ont regardé cela. Mon geste n'est pas pardonnable (...) Bien sûr que ce n'est pas un geste à faire. Je tiens à le dire haut et fort parce que cela a été vu par deux-trois milliards de téléspectateurs et des millions et des millions d'enfants (…) [mais] je ne peux pas regretter mon geste, car cela voudrait dire qu'il avait raison de dire tout cela. Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas dire cela. Et non, il n'a pas raison de dire ce qu'il a dit. »

J’avoue d’abord avoir été sidéré par la naïveté candide des propos du joueur français ! A son âge, avec son expérience (en particulier sa connaissance du « jeu » italien et des provocations de ses joueurs), et compte tenu de ses responsabilités (que ce soit vis-à-vis de ses coéquipiers dont il était le « capitaine », de la France dont il portait le maillot, et des enfants qu’il aime tant), que le champion français ait été capable d’une telle conduite me paraît invraisemblable et incompréhensible !

J’entends tout de suite l’objection : que Zidane ait succombé à la tentation de la violence nous révèle (s’il en était besoin) qu’il n’est jamais qu’un homme comme les autres, et non un dieu, et le fait qu’il ait succombé à une faiblesse n’a en soi rien de surprenant lorsque l’on sait la fragilité ontologique de l’homme, et sa misère profonde.

Mais encore une fois, ce qui me choque n’est pas tant le geste en lui-même, que sa justification a posteriori par son auteur. Le véritable regret de Zidane, semble-t-il, est d’avoir été vu par des millions de téléspectateurs, mais non pas d’avoir agressé Materazzi qui n’a finalement eu, à l’entendre, que ce qu’il méritait ! Si cela était à refaire, a-t-il ainsi déclaré, il le referait pareillement ! Car sinon, « cela voudrait dire qu'il avait raison de dire tout cela. Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas dire cela. Et non, il n'a pas raison de dire ce qu'il a dit. »

Encore une fois, ce qui frappe, c’est la naïveté du propos. Comme l’écrivait Vincent Duluc dans l’Equipe du 13 juillet 2006 : « les insultent existent dans le sport, et elles peuvent être une arme de déstabilisation. Car si dans la vie courante, le provocateur peut être châtié à la mesure de ses provocations, et si l’insulté peut demander justice devant les tribunaux, tous les entraîneurs et les joueurs savent que, dans le sport collectif de haut niveau, le coupable est avant tout celui qui réagit et laisse son équipe à dix. Surtout au moment où se joue le sort d’une finale de la Coupe du Monde. Les entraîneurs répètent sans cesse que le contrôle de soi est un élément essentiel de la performance. C’est une donnée connue de tous les sportifs, mais que la dimension nationale du débat, ouvert à la naïveté sincère de ceux qui n’ont accès à Zidane que par l’image, on allait dire l’icône, est en train de balayer. »

Au-delà de ça, il y a maintenant la vraie question de l’attitude à adopter face à la provocation, à l’insulte et à l’outrage. Et il me paraît y avoir là pour nous chrétiens une occasion fantastique de témoignage auprès de tous ceux qui donnent (sans doute un peu vite) raison à Zidane.

Et ils sont nombreux ! ainsi que le déplore le Pasteur protestant Eric Georges, dans un  remarquable article sur son Blog  Miettes de Théologie : « Ce qui m'attriste le plus dans cette affaire, c'est une petite phrase au milieu des excuses de Zidane : "Je ne peux pas regretter mon geste car cela voudrait dire qu'il avait raison de dire tout cela". Et je m'aperçois avec stupeur qu'autour de moi, beaucoup sont d'accord avec cela. Et pas des gens privés de parole mais visiblement des gens cultivés. Alors, ne pas répondre à une insulte, ce serait légitimer cette insulte ? Ignorer celui qui s'abaisse à injurier, c'est lui donner raison ? Je sais bien qu'il n'y a pas que la vérité qui blesse et que les mots peuvent souvent faire mal, mais en aucun cas cela peut-il réellement légitimer la violence (qu'elle soit physique ou verbale) ?

« C'est vrai qu'il est tentant pour chacun d'entre nous (pour moi, en tout cas) d'écraser l'adversaire (dans mon cas c'est plutôt par les mots) et en écrivant ces lignes, je me rends compte qu'à maintes reprises j'ai sans doute été aussi captif que Zidane de cet esprit de revanche, mais je m'attriste de voir que certains, indépendamment du foot, considèrent la revanche comme une attitude honorable.

« Pour ma part, je n'ai pas à condamner (je ne vaux pas mieux que lui) ni à pardonner Zidane (il ne m'a rien fait personnellement). Simplement, je m'aperçois avec tristesse que le combat de la non-violence est bien moins avancé dans les esprits que je le croyais. Jusqu'ici, ce que j'entendais c'est "si quelqu'un nous agresse, il faut bien se défendre" maintenant, on a "si quelqu'un m'insulte, il faut bien que je lui pète la gueule". Pour moi, c'est un signe de plus que seul Dieu peut profondément changer les coeurs, par nous-même, nous n'en sommes pas capables. »

Constat désabusé qui nous renvoie à la parole même du Seigneur : « Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non du mal. » (Rm 12. 14-16). Ou encore cette autre fort connue, issue du sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu'il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l'autre. Et si quelqu'un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. » (5. 38-40) Et plus loin, toujours dans ce même discours, après avoir enseigné à ses disciples ce qu’il convient de demander au Père dans la prière : « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, à vous non plus votre Père ne pardonnera pas vos fautes. » (6. 14-15).

Ces paroles de Jésus peuvent paraître à beaucoup « naïves », « irréalistes », « impraticables ». Et c’est vrai que leur mise en pratique demande un grand effort ; elle requiert en fait la mobilisation de ce qu’il y a de meilleur en nous. Et comme l’écrit le Pasteur Eric Georges, cela n’est possible qu’avec la grâce de Dieu.

Mais puisque la grâce nous est donnée, nous devons entrer dans ce combat spirituel, dans ce travail sur nous-même. L’enjeu de ce combat, c’est la paix intérieure. Et donc la paix entre les hommes. Et donc la paix entre les nations. Car tout est lié !

Pour tout vous dire : que la guerre ait éclatée au Liban quelques jours après ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Zidane » ne m’a guère étonné. Car comment espérer obtenir la paix entre les peuples, lorsque notre propre cœur est prêt à justifier la riposte à la violence par la violence ? Comment envisager sérieusement la paix dans les familles, les sociétés, et dans le monde, s’il n’y a pas d’abord la paix dans les cœurs ?

La Vierge Marie à Medjugorje nous enseigne ainsi que c’est la paix du cœur qui assurera la paix du monde, et qu’il y a un lien très étroit entre les deux.

« Priez, priez, priez, et seulement dans la foi et à travers la prière votre âme trouvera-t-elle la paix, et le monde la joie d'être avec Dieu. » (25 août 2002)

« Chers enfants, en ce temps troublé je vous invite à la prière. Petits enfants, priez pour la paix afin que dans le monde chaque personne sente l'amour de la paix. Seulement lorsque l'âme trouve la paix en Dieu elle se sent satisfaite, et l'amour commencera à couler dans le monde. Et d'une manière particulière, petits enfants, vous êtes appelés à vivre et à témoigner de la paix, la paix dans vos coeurs et dans vos familles, et à travers vous, la paix commencera à couler aussi dans le monde. » (25 septembre 2002)

« Je désire vous donner la paix; et vous, portez-la dans vos coeurs et donnez-la aux autres, jusqu'à ce que la paix de Dieu se mette à régner dans le monde. » (25 décembre 2002)

« Chers enfants, par ce message, je vous appelle à nouveau à prier pour la paix. Particulièrement maintenant où la paix est en crise, vous, soyez ceux qui prient et qui témoignent de la paix. Soyez la paix, petits enfants, dans ce monde sans paix » (25 janvier 2003)

« Aujourd'hui encore je vous invite à prier et à jeûner pour la paix. Comme je l'ai déjà dit, je vous le répète encore maintenant, petits enfants : seulement par la prière et le jeûne, même les guerres peuvent être arrêtées. La paix est un précieux don de Dieu. Recherchez-la, priez et vous la recevrez. Parlez de la paix et portez la paix dans vos coeurs. Prenez-en soin comme d'une fleur qui a besoin d'eau, de tendresse et de lumière. Soyez ceux qui portent la paix aux autres. » (25 février 2003)

« Chers enfants, (…) je vous invite tous à la conversion. Si vous vous convertissez, tous autour de vous seront renouvelés aussi, et la prière leur sera une joie. Merci d'avoir répondu à mon appel. » (25 mai 2003)

« Ouvrez votre coeur afin que l'amour et la paix y entrent. Priez pour la paix, la paix, la paix ! » (message donné à la voyante Ivanka, durant son apparition annuelle, le 25 juin 2003)

« Soyez amour, joie et paix dans ce monde sans paix. » (25 novembre 2003)

« En ce temps de grâce, ouvrez vos coeurs, petits enfants, et exprimez votre amour au Crucifié. C’est seulement ainsi que vous découvrirez la paix, et la prière commencera à couler de votre coeur de par le monde. Soyez un exemple, petits enfants, et une incitation au bien. » (25 mars 2004)

Ce disant, la Vierge n’invente rien : Jésus lui-même expliquait la prolifération du mal par ce qui sort du cœur de l’homme. « Car c'est du dedans, du coeur de l'homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur. » (Mc 7. 21-23).

« Acquiers la paix intérieure, et une multitude trouvera son salut auprès de toi », disait encore St Séraphim de Sarov.

Travailler sur soi pour connaître et goûter la paix du cœur est donc la meilleure manière de se rendre utile au monde, de lutter contre la violence et la haine, et d’être artisan de paix. Car comme le disait Sainte Thérèse de Jésus : « Une âme qui s’élève élève le monde, une âme qui s’abaisse, abaisse le monde. »

Les paroles de Jésus ne sont donc ni moralistes, ni trop « nian-nian » : elles sont le chemin authentique de la liberté, de la vie véritable et du bonheur de l’homme, et il n’y en a pas d’autre.

Une méditation d’un autre pasteur protestant sur Top Chrétien nous aide à le comprendre. Commentant Matthieu 6.12 ("…pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés…"), le Pasteur Franck Alexandre écrit ceci :

« Pour vous neutraliser, Satan n’a pas besoin de vous dire que vous êtes mauvais, que vous ne priez pas assez ou que vous ne connaissez pas suffisamment votre Bible. Non ! Il lui suffit tout simplement d’utiliser cette arme meurtrière qui touche en plein cœur : l’offense.

« Dès qu’il voit que vous êtes victime de paroles blessantes ou de calomnies, alors il vous vise et dès que vous vous trouvez dans sa ligne de mire, il tire. Il sait qu’il peut tout exploiter : vos blessures les plus intimes, vos traumatismes les plus secrets, votre passé...

« L’offense est une arme particulièrement efficace, et Satan ne vous fera aucun cadeau. Pour lui, pas de sentiments ! C’est sans aucun état d’âme qu’il attend le moment opportun pour vider son chargeur sur vous !

« Lorsque Jésus a enseigné la prière du "Notre Père", il a présenté le pardon comme étant le seul antidote "anti-offense". Le pardon est le seul rempart efficace, la seule protection capable de résister à la puissance de ce projectile destructeur qu’est l’offense.

« En tant que chrétien, si vous n’apprenez pas à faire face à ce "tueur", vous courrez un grand danger sur le plan spirituel. Grâce à la foi, vous pouvez échapper au rôle de "victime".

« En effet, il est tellement facile pour l’être humain de se poser en victime et de chercher refuge dans ce personnage ; mais il est impossible pour lui d’y trouver un plein épanouissement. Oui ! Nous sommes misérables ! Mais Christ est mort pour nous permettre de vivre une vie glorieuse !

« À l’origine du "ravage de la foi" de bien des chrétiens, se trouve un manque de compréhension du "pardon total". L’offense non pardonnée fabrique des "zombies de la foi" ! L’enfant de Dieu n’est plus qu’une ombre rongée par l’amertume, la haine, et parfois même, le désir de vengeance.

« L’amour du crucifié parle plus fort que les armes. Rejeté, maltraité, haï, humilié, il n’a cessé de nous aimer. Regardez au crucifié et déposez les armes ! Libérez-vous des ombres qui hantent vos nuits et tourmentent vos moments de solitude. Pardonnez l’offense et vivez ! Soyez libre ! »

 

 

(Cf. La position de l'Eglise sur Medjugorje + Bibliographie février 2006).

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

R
Encore un très bon article de Matthieu.<br /> En ce qui me concerne, je dirais que Zinedine Zidane à fait une contrition très imparfaite (il regrette les conséquence mais ne regrette pas l'acte en lui même. ce n'est pas logique).
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R
Bonjour !Je suis 100% d'accord avec toi ! Ses paroles m'ont tout autant choqué, et avant même que je ne prenne connaissance de tous ces extraits de la Bible.Je pense que Zidane aurait du s'excuser d'avoir agi ainsi et qu'il aurait même du demander pardon à l'autre joueur.Là, il y a conflits franco-italiens, à Nice c'est violent (sachant qu'il y a les deux)Ah, si seulement l'un avait pu pardonner l'autre !Rebecca
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