21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 19:01

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI du 5 mars 2008.

Chers frères et soeurs,

En poursuivant notre chemin parmi les Pères de l'Eglise, véritables astres qui brillent de loin, nous abordons pendant notre rencontre d'aujourd'hui la figure d'un Pape qui, en 1754, fut proclamé Docteur de l'Eglise par Benoît XIV : il s'agit de Saint Léon le Grand. Comme l'indique l'épithète que la tradition lui attribua très tôt, il fut véritablement l'un des plus grands Papes qui aient honoré le Siège romain, contribuant largement à en renforcer l'autorité et le prestige. Premier Evêque de Rome à porter le nom de Léon, adopté ensuite par douze autres Souverains Pontifes, il est également le premier Pape dont nous soit parvenue la prédication qu'il adressait au peuple qui se rassemblait autour de lui pendant les célébrations. Il est naturel de penser également à lui dans le contexte des actuelles Audiences générales du mercredi, des rendez-vous qui pendant les dernières décennies sont devenus pour l'Evêque de Rome une forme habituelle de rencontre avec les fidèles et avec de nombreux visiteurs de toutes les parties du monde.

Léon était originaire de la région italienne de la Tuscia. Il devint diacre de l'Eglise de Rome autour de l'an 430 et, avec le temps, il acquit au sein de celle-ci une position de grande importance. Ce rôle de premier plan poussa Galla Placidia, qui à cette époque dirigeait l'Empire d'Occident, à l'envoyer en Gaule en 440 pour résoudre une situation difficile. Mais au cours de l'été de cette année, le Pape Sixte III – dont le nom est lié aux magnifiques mosaïques de Sainte-Marie-Majeure – mourut, et ce fut précisément Léon qui lui succéda, recevant la nouvelle alors qu'il accomplissait justement sa mission de paix en Gaule. De retour à Rome, le nouveau Pape fut consacré le 29 septembre 440. C'est ainsi que commença son pontificat, qui dura plus de 21 ans, et qui a été sans aucun doute l'un des plus importants de l'Histoire de l'Eglise. A sa mort, le 10 novembre 461, le Pape fut enterré auprès de la tombe de saint Pierre. Ses reliques sont conservées aujourd'hui encore dans l'un des autels de la Basilique vaticane.

Le Pape Léon vécut à une époque très difficile : la répétition des invasions barbares, le progressif affaiblissement en Occident de l'autorité impériale et une longue crise sociale avaient imposé à l'Evêque de Rome – comme cela devait se produire de manière encore plus forte un siècle et demi plus tard pendant le pontificat de Grégoire le Grand – d'assumer un rôle important également dans les événements civils et politiques. Cela ne manqua pas, bien évidemment, d'accroître l'importance et le prestige du Siège romain. Un épisode de la vie de Léon est en particulier resté célèbre. Il remonte à 452, lorsque le Pape rencontra à Mantoue, avec une délégation romaine, Attila, chef des Huns, et le dissuada de poursuivre la guerre d'invasion par laquelle il avait déjà dévasté les régions du nord-est de l'Italie. Et ainsi sauva-t-il le reste de la péninsule. Cet événement important devint vite mémorable, et il demeure comme le signe emblématique de l'action de paix accomplie par le Pontife. Trois ans plus tard, l'issue d'une autre initiative papale, signe d'un courage qui nous stupéfie encore, ne fut malheureusement pas aussi positive : en effet, au printemps 455 Léon ne réussit pas à empêcher que les Vandales de Genséric, arrivés aux portes de Rome, envahissent la ville sans défense, qui fut mise à sac pendant deux semaines. Toutefois, le geste du Pape – qui, sans défense et uniquement entouré de son clergé, alla à la rencontre de l'envahisseur pour le conjurer de s'arrêter – empêcha au moins que Rome ne soit incendiée et obtint que le terrible sac épargnât les Basiliques Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Jean, dans lesquelles une partie de la population terrorisée se réfugia.

Nous connaissons bien l'action du Pape Léon, grâce à ses très beaux sermons – nous en conservons près de 100 dans un latin splendide et clair – et grâce à ses lettres, environ 150. Dans ses textes, le Pape apparaît dans toute sa grandeur, tourné vers le service de la vérité dans la charité, à travers un exercice assidu de la parole, qui le montre dans le même temps théologien et pasteur. Léon le Grand, constamment attentif à ses fidèles et au peuple de Rome, mais également à la communion entre les différentes Eglises et à leurs nécessités, fut le défenseur et le promoteur inlassable du primat romain, se présentant comme l'authentique héritier de l'Apôtre Pierre : les nombreux Evêques, en grande partie orientaux, réunis au Concile de Chalcédoine se montrèrent bien conscients de cela.

Se déroulant en 451, avec la participation de 350 Evêques, ce Concile fut la plus importante assemblée célébrée jusqu'alors dans l'histoire de l'Eglise. Chalcédoine représente le point d'arrivée sûr de la christologie des trois Conciles œcuméniques précédents : celui de Nicée de 325, celui de Constantinople de 381 et celui d'Ephèse de 431. Au VIe siècle, ces quatre Conciles, qui résument la foi de l'Eglise des premiers siècles, furent en effet déjà comparés aux quatre Evangiles : c'est ce qu'affirme Grégoire le Grand dans une lettre célèbre (I, 24), dans laquelle il déclare "accueillir et vénérer, comme les quatre livres du saint Evangile, les quatre Conciles", car c'est sur eux – explique encore Grégoire – "comme sur une pierre carrée que s'élève la structure de la sainte foi". Le Concile de Chalcédoine – repoussant l'hérésie d'Eutichios, qui niait la véritable nature humaine du Fils de Dieu – affirma l'union dans son unique Personne, sans confusion ni séparation, des deux natures humaine et divine.

Cette foi en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, était affirmée par le Pape dans un important texte doctrinal adressé à l'Evêque de Constantinople, qui s'intitule « Tome à Flavien », qui, lu à Chalcédoine, fut accueilli par les Evêques présents avec une acclamation éloquente, dont la description est conservée dans les actes du Concile : "Pierre a parlé par la bouche de Léon", s'exclamèrent d'une seule voix les Pères conciliaires. C'est en particulier de cette intervention, ainsi que d'autres effectuées au cours de la controverse christologique de ces années-là, qu'il ressort de manière évidente que le Pape ressentait avec une urgence particulière la responsabilité du Successeur de Pierre, dont le rôle est unique dans l'Eglise, car "à un seul apôtre est confié ce qui est communiqué à tous les apôtres", comme affirme Léon dans l'un de ses sermons pour la fête des saints Pierre et Paul (83, 2). Et le Pape sut exercer ces responsabilités, en Occident comme en Orient, en intervenant en diverses circonstances avec prudence, fermeté et lucidité à travers ses écrits et au moyen de ses légats. Il montrait de cette manière que l'exercice du primat romain était alors nécessaire, comme il l'est aujourd'hui, pour servir efficacement la communion, caractéristique de l'unique Eglise du Christ.

(…) Léon le Grand enseigna en particulier à ses fidèles – et aujourd'hui encore ses paroles restent valables pour nous – que la liturgie chrétienne n'est pas le souvenir d'événements passés, mais l'actualisation de réalités invisibles qui agissent dans la vie de chacun. C'est ce qu'il souligne dans un sermon (64, 1-2) à propos de la Pâque, à célébrer à chaque époque de l'année "pas tant comme quelque chose du passé, mais plutôt comme un événement du présent". Tout cela s'inscrit dans un projet précis, insiste le saint Pontife : en effet, de même que le Créateur a animé par le souffle de la vie rationnelle l'homme façonné avec la boue de la terre, après le péché originel, il a envoyé son Fils dans le monde pour restituer à l'homme la dignité perdue et détruire la domination du diable, à travers la vie nouvelle de la grâce.

Tel est le mystère christologique auquel saint Léon le Grand, avec sa lettre au Concile d'Ephèse, a apporté une contribution efficace et essentielle, confirmant pour tous les temps – par l'intermédiaire de ce Concile – ce que dit saint Pierre à Césarée de Philippe. Avec Pierre et comme Pierre, il confesse : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant". Il est donc Dieu et Homme à la fois, "il n'est pas étranger au genre humain, mais étranger au péché" (cf. Serm. 64). Dans la force de cette foi christologique, il fut un grand porteur de paix et d'amour. Il nous montre ainsi le chemin : dans la foi nous apprenons la charité. Nous apprenons donc avec saint Léon le Grand à croire dans le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, et à réaliser cette foi chaque jour dans l'action pour la paix et dans l'amour pour le prochain.



Lire le texte intégral de l'Audience Générale du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

M
Cher Jonas,Une précision importante tout d'abord : la théologie des sept dons du Saint Esprit ne relève pas du dogme. On est donc libre de ne pas y croire.Il est vrai toutefois que nos pères dans la foi se sont servis de Is 1-2 pour théoriser l'expérience qu'ils faisaient d'être "guidés" ("poussés" dirait l'Ecriture) par l'Esprit de Dieu.Donc : ce n'est pas un dogme, mais c'est tout de même fondé sur l'Ecriture Sainte, et sur ce passage du prophète Isaïe. C'est donc du solide.Pourquoi 7 dons au lieu de 6 comme dans Isaïe? Je ne sais pas d'où cela vient. Mais le don piété se révèle un variation du don de crainte - que nous pourrions appeler le don du "sens de Dieu". Tandis que la Crainte stricto-sensu nous donne la connaissance aigüe de la Sainteté de Dieu et de la profondeur de notre "néant" (et donc : de l'infinie distance qui existe entre le Créateur et sa créature), la Piété filiale nous donne une confiance d'enfant envers notre Père des Cieux (et donc : la vive conscience de la proximité d'amour qui existe entre le Créateur et sa créature). La Piété se présente donc comme le complément nécessaire de la Crainte, puisque nous devons avancer vers Dieu avec les deux béquilles de l'humilité et de la confiance, ainsi que l'écrivait magnifiquement St François de Sales.Ou, pour dire autrement : la brebis qui a expérimenté sa fragilité foncière de créature (don de Crainte) est toute heureuse d'avancer, portée sur les épaules de son Pasteur (don de Piété), là même où ses peurs se dissipent.Cela dit, le rapprochement avec le judaïsme est pertinent. Car certains auteurs spirituels classent volontiers les 7 dons du Saint Esprit en les répartissant par paires sur les 7 branches d'un chandelier : Crainte et Piété filiale, Conseil et Force, Science et Intelligence - avec, sur la branche centrale : le don de Sagesse, celui qui favorise l'essor de la vie contemplative.Les 2 premiers dons (Crainte et Piété) nous incitent à bien nous situer devant Dieu, avec respect et confiance tout à la fois. Les deux suivants (Conseil et Force) nous permettent de nous ajuster à sa volonté, en la découvrant et en l'accomplissant. Les deux suivants encore (Science et Intelligence) favorisent en nous une connaissance profonde de Dieu, à partir de ses Oeuvres créées et de sa Parole révélée. Quant au dernier (Sagesse), il nous aide à goûter Dieu Lui-même dans le fond de notre coeur et nous donne d'anticiper ainsi quelque chose de la joie du Ciel.
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J
Matthieu, je voulais poser une question sur l'article concernant la neuvaine à l'Esprit saint, mais ça ne fonctionne pas, pour une raison inconnue.Je la pose donc ici : d'où vient l'invocation à l'esprit de piété, alors que le texte bien connu d'Isaïe 11 ne compte que 6 dons du saint Esprit : sagesse et intelligence, conseil et force, connaissance et crainte du Seigneur (selon la traduction de la BJ) et que la piété n'y est pas ?L'Eglise a-t-elle voulu là aussi se démarquer du judaïsme ? Pourtant elle arrive ainsi à 7, ce qui un tantinet juif comme symbole !
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