« Quand nous arriverons au paradis, nous serons certainement éblouis par l'admirable simplicité de Dieu. Et tout ce qui nous aura paru mystérieux sur terre nous apparaîtra tout à coup lumineux », écrit le Père Descouvemont.
Pourquoi croire est-il aujourd'hui si difficile? Pourquoi le croyant reste-t-il souvent perplexe face à certaines données de la foi? Dans son ouvrage intitulé « Les apparents paradoxes de Dieu », le Père Descouvemont relève sept paradoxes fondamentaux qui déconcertent le chrétien et intriguent le non-croyant :
- à Trois, Il ne font qu'Un ;
- Tout Autre, il est Tout Proche ;
- Prodigue, il est mendiant ;
- Juste, il est miséricordieux ;
- Infiniment heureux, il communie à nos souffrances ;
- Tout-Puissant, Il nous laisse libre ;
- Rejeté, Il est toujours là.
Parcourant ces paradoxes en puisant dans l'expérience des Saints – pour qui le mystère de Dieu a toujours été source d'émerveillement –, l'auteur livre une réflexion qui lève les ambiguïtés et les malentendus entourant la foi chrétienne. Il invite croyants comme non-croyants à envisager Dieu non pas comme un mur contre lequel on bute, mais comme un océan sans rivage que l'on n'a jamais fini d'explorer.
Prêtre, né en 1927, le Père Pierre Descouvemont est philosophe, théologien, prédicateur de retraites et conférencier renommé pour ses qualités de vulgarisateur. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont le "Guide des difficultés de la foi catholique" et le "Gagner le combat spirituel".
Voici donc un extrait de cet intéressant ouvrage sur les « apparents paradoxes de Dieu » que me suggère notre débat avec Yves sur la souffrance et la mort du Verbe incarné (à partir du commentaire n° 47 sur ce fil). Dieu peut-il souffrir, Lui qui est impassible ? Dieu peut-il mourir, Lui qui est immortel ?
En méditant les souffrances que le Christ a endurées pour nous tout au long de Son existence terrestre, les chrétiens n’ont jamais oublié la distinction proclamée par le Concile de Chalcédoine en 451. C’est dans Sa nature humaine, et non dans Sa nature divine, que le Christ a souffert. C’est bel et bien la personne du Verbe qui a souffert pour nous sur la Croix, mais en tant que Verbe, Il est resté impassible.
Cela ne signifie pas que la Personne du Verbe n’a pas été « affectée » par ce qui Lui est arrivé sur la terre. Saint Léon lui-même, qui a tant contribué à faire proclamer par le Concile de Chalcédoine la distinction entre les deux natures du Christ, reconnaît que les souffrances du Verbe incarné ont reflué jusqu’à l’Être impassible : « Ce que souffrait la chair du Verbe n’était donc pas souffrance du Verbe, mais de la chair ; ses injures et ses supplices refluaient (redundabant) cependant jusqu’au Verbe impassible, en sorte qu’on a pu dire à juste titre que c’est à Lui qu’était infligé ce qu’Il a permis sur Son corps, selon le mot de l’apôtre : « S’ils L’avaient connu, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire » » (Sermon XVII sur la Passion).
Tel est l’enseignement constant des Pères de l’Eglise. En s’incarnant dans le sein de la Vierge Marie, le Fils de Dieu est devenu mortel, tout en restant immortel. Il est devenu passible, tout en restant impassible. Il est devenu fragile, tout en restant le Tout-Puissant. Il est devenu homme, tout en restant Dieu.
Bien avant le Concile de Chalcédoine, Saint Athanase affirmait déjà, dans son « Troisième discours contre les ariens » (n°32) : « De même que nous disons que le corps assumé par le Verbe est Son propre corps, de même nous disons que les souffrances de ce corps ont été proprement les siennes, bien qu’elles ne l’atteignent pas en Sa divinité ».
Même affirmation chez Grégoire de Nysse disant du Logos qu’Il a été « Dieu impassible souffrant dans la chair, tout en demeurant dans l’impassibilité » (Contre Eunome, XII).
Mais par ailleurs (…), en affirmant l’impassibilité du Verbe, les chrétiens ne se sont jamais représenté Dieu comme un Jupiter qui trône dans le ciel, indifférent à la souffrance des hommes. Ils savent que le Dieu qui se révèle dans l’Ecriture est un Dieu dont les entrailles sont pleines de pitié pour son peuple : « Mes entrailles s’émeuvent pour lui, pour lui déborde ma tendresse » (Jr 31. 20).
A fortiori, les chrétiens n’ont jamais pensé que le Père et l’Esprit Saint aient été insensibles à la souffrance du Fils bien-aimé et au cri qu’il lança sur la Croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Très souvent, les artistes ont évoqué cette participation de la Sainte Trinité à la tragédie du Calvaire en représentant le Père accueillant dans ses bras le Corps du Crucifié et l’Esprit-Saint reposant sur Lui sous la forme d’une colombe.
C’est la raison pour laquelle des Pères de l’Eglise n’ont pas hésité à parler d’une souffrance en Dieu : « Le Père Lui-même, dit par exemple Origène, Dieu de l’Univers, plein d’indulgence et de miséricorde, n’est-il pas vrai qu’Il souffre en quelque sorte ? » (Homélies sur Ezéchiel, VI, 6).
Les chrétiens n’oublient jamais en effet que, pour respecter le mystère de Dieu, il faut affirmer simultanément que Dieu est infiniment heureux et infiniment compatissant. « Si Dieu est impassible, affirme Saint Bernard, Il n’est pas dénué de compassion, puisque rien ne Lui est plus inhérent que d’avoir toujours pitié et de pardonner. » C’est pourquoi, continue-t-il, les bienheureux habitants du ciel participent à la compassion de Dieu pour les hommes : « Délivrés de la souffrance, ils compatissent à la nôtre. Leur sensibilité n’est pas diminuée, elle est transfigurée ; en se revêtant de Dieu, ils n’ont pas dépouillé toute affection pour nous. Libérés de la faiblesse, il ne le sont pas de la pitié. Car la charité de périt jamais » (26e sermon sur le Cantique des Cantiques).