20 février 2009 5 20 /02 /février /2009 12:21

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI du 14 novembre 2007.

Comme nous l'avons dit mercredi dernier, Saint Jérôme consacra sa vie à l'étude de la Bible, au point d'être reconnu par l'un de mes prédécesseurs, le Pape Benoît XV, comme "docteur éminent dans l'interprétation des Saintes Ecritures".
Jérôme soulignait la joie et l'importance de se familiariser avec les textes bibliques : "Ne te semble-t-il pas habiter – déjà ici, sur terre – dans le royaume des cieux, lorsqu'on vit parmi ces textes, lorsqu'on les médite, lorsqu'on ne connaît ni ne recherche rien d'autre?" (Ep 53, 10). En réalité, dialoguer avec Dieu, avec sa Parole, est dans un certain sens une présence du Ciel, c'est-à-dire une présence de Dieu. S'approcher des textes bibliques, surtout du Nouveau Testament, est essentiel pour le croyant, car "ignorer l'Ecriture, c'est ignorer le Christ". C'est à lui qu'appartient cette phrase célèbre, également citée par le Concile Vatican II dans la Constitution Dei Verbum (n. 25). 

Réellement "amoureux" de la Parole de Dieu, il se demandait :
"Comment pourrait-on vivre sans la science des Ecritures, à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants ?" (Ep 30, 7). La Bible, instrument "avec lequel Dieu parle chaque jour aux fidèles" (Ep 133, 13), devient ainsi un encouragement et la source de la vie chrétienne pour toutes les situations et pour chaque personne. Lire l'Ecriture signifie converser avec Dieu : "Si tu pries – écrit-il à une noble jeune fille de Rome –, tu parles avec l'Epoux ; si tu lis, c'est Lui qui te parle" (Ep 22, 25). L'étude et la méditation de l'Ecriture rendent l'homme sage et serein (cf. In Eph., prol.). Assurément, pour pénétrer toujours plus profondément la Parole de Dieu, une application constante et progressive est nécessaire. Jérôme recommandait ainsi au prêtre Népotien : "Lis avec une grande fréquence les divines Ecritures ; ou mieux, que le Livre Saint reste toujours entre tes mains. Apprends là ce que tu dois enseigner" (Ep 52, 7). Il donnait les conseils suivants à la matrone romaine Leta pour l'éducation chrétienne de sa fille : "Assure-toi qu'elle étudie chaque jour un passage de l'Ecriture... Qu'à la prière elle fasse suivre la lecture, et à la lecture la prière... Au lieu des bijoux et des vêtements de soie, qu'elle aime les Livres divins" (Ep 107, 9.12). Avec la méditation et la science des Ecritures se "conserve l'équilibre de l'âme" (Ad Eph., prol.). Seul un profond esprit de prière et l'assistance de l'Esprit Saint peuvent nous introduire à la compréhension de la Bible : "Dans l'interprétation des Saintes Ecritures, nous avons toujours besoin de l'assistance de l'Esprit Saint" (In Mich. 1, 1, 10, 15). 

Un amour passionné pour les Ecritures imprégna donc toute la vie de Jérôme, un amour qu'il chercha toujours à susciter également chez les fidèles. Il recommandait à l'une de ses filles spirituelles : "Aime l'Ecriture Sainte et la Sagesse t'aimera ; aime-la tendrement, et celle-ci te préservera ; honore-la et tu recevras ses caresses. Qu'elle soit pour toi comme tes colliers et tes boucles d'oreille" (Ep 130, 20). Et encore :
"Aime la science de l'Ecriture, et tu n'aimeras pas les vices de la chair" (Ep 125, 11). 

Pour Jérôme, un critère de méthode fondamental dans l'interprétation des Ecritures était l'harmonie avec le magistère de l'Eglise. Nous ne pouvons jamais lire l'Ecriture seuls. Nous trouvons trop de portes fermées et nous glissons facilement dans l'erreur. La Bible a été écrite par le Peuple de Dieu et pour le Peuple de Dieu, sous l'inspiration de l'Esprit Saint. Ce n'est que dans cette communion avec le Peuple de Dieu que nous pouvons réellement entrer avec le "nous" au centre de la vérité que Dieu lui-même veut nous dire. Pour lui, une interprétation authentique de la Bible devait toujours être en harmonieuse concordance avec la foi de l'Eglise catholique. Il ne s'agit pas d'une exigence imposée à ce Livre de l'extérieur ; le Livre est précisément la voix du Peuple de Dieu en pèlerinage et ce n'est que dans la foi de ce Peuple que nous sommes, pour ainsi dire, dans la juste tonalité pour comprendre l'Ecriture Sainte. Il admonestait donc : "Reste fermement attaché à la doctrine traditionnelle qui t'a été enseignée, afin que tu puisses exhorter selon la saine doctrine et réfuter ceux qui la contredisent" (Ep 52, 7). En particulier, étant donné que Jésus Christ a fondé son Eglise sur Pierre, chaque chrétien – concluait-il – doit être en communion "avec la Chaire de Saint Pierre. Je sais que sur cette pierre l'Eglise est édifiée" (Ep 15, 2). Par conséquent, et de façon directe, il déclarait : "Je suis avec quiconque est uni à la Chaire de saint Pierre" (Ep 16).
 

Jérôme ne néglige pas, bien sûr, l'aspect éthique. Il rappelle au contraire souvent le devoir d'accorder sa propre vie avec la Parole divine, et ce n'est qu'en la vivant que nous trouvons également la capacité de
la comprendre. Cette cohérence est indispensable pour chaque chrétien, et en particulier pour le prédicateur, afin que ses actions, si elles étaient discordantes par rapport au discours, ne le mettent pas dans l'embarras. Ainsi exhorte-t-il le prêtre Népotien : "Que tes actions ne démentent pas tes paroles, afin que, lorsque tu prêches à l'église, il n'arrive pas que quelqu'un commente en son for intérieur : "Pourquoi n'agis-tu pas précisément ainsi?" Cela est vraiment plaisant de voir ce maître qui, le ventre plein, disserte sur le jeûne ; même un voleur peut blâmer l'avarice ; mais chez le prêtre du Christ, l'esprit et la parole doivent s'accorder"
(Ep 52, 7). Dans une autre lettre, Jérôme réaffirme : "Même si elle possède une doctrine splendide, la personne qui se sent condamnée par sa propre conscience se sent honteuse" (Ep 127, 4). 

(…) Jérôme, défini par Prospère d'Aquitaine comme un "modèle de conduite et maître du genre humain" (Carmen de ingratis, 57), nous a également laissé un enseignement riche et varié sur l'ascétisme chrétien. Il rappelle qu'un courageux engagement vers la perfection demande une vigilance constante, de fréquentes mortifications, toutefois avec modération et prudence, un travail intellectuel ou manuel assidu pour éviter l'oisiveté (cf. Epp 125, 11 et 130, 15), et surtout l'obéissance à Dieu : "Rien... ne plaît autant à Dieu que l'obéissance..., qui est la plus excellente et l'unique vertu" (Hom. de oboedientia:  CCL 78,552).
 

(…) Enfin, on ne peut pas oublier la contribution apportée par Jérôme dans le domaine de la pédagogie chrétienne (cf. Epp 107 et 128). Il se propose de former "une âme qui doit devenir le temple du Seigneur" (Ep 107, 4), une "pierre très précieuse" aux yeux de Dieu (Ep 107, 13). Avec une profonde intuition, il conseille de la préserver du mal et des occasions de pécher, d'exclure les amitiés équivoques ou débauchées (cf. Ep 107, 4 et 8-9; cf. également Ep 128, 3-4). Il exhorte surtout les parents pour qu'ils créent un environnement serein et joyeux autour des enfants, pour qu'ils les incitent à l'étude et au travail, également par la louange et l'émulation (cf. Epp 107, 4 et 128, 1), qu'ils les encouragent à surmonter les difficultés, qu'ils favorisent entre eux les bonnes habitudes et qu'ils les préservent d'en prendre de mauvaises car – et il cite là une phrase de Publilius Syrus entendue à l'école – "difficilement tu réussiras à te corriger de ces choses dont tu prends tranquillement l'habitude" (Ep 107, 8).
Les parents sont les principaux éducateurs des enfants, les premiers maîtres de vie. Avec une grande clarté, Jérôme, s'adressant à la mère d'une jeune fille et mentionnant ensuite le père, admoneste, comme exprimant une exigence fondamentale de chaque créature humaine qui commence son existence : "Qu'elle trouve en toi sa maîtresse, et que sa jeunesse inexpérimentée regarde vers toi avec émerveillement. Que ni en toi, ni en son père elle ne voie jamais d'attitudes qui la conduisent au péché, si elles devaient être imitées. Rappelez-vous que... vous pouvez davantage l'éduquer par l'exemple que par la parole" (Ep 107, 9). Parmi les principales intuitions de Jérôme comme pédagogue, on doit souligner l'importance attribuée à une éducation saine et complète dès la prime enfance, la responsabilité particulière reconnue aux parents, l'urgence d'une sérieuse formation morale et religieuse, l'exigence de l'étude pour une formation humaine plus complète. En outre, un aspect assez négligé à l'époque antique, mais considéré comme vital par notre auteur, est la promotion de la femme, à laquelle il reconnaît le droit à une formation complète : humaine, scolaire, religieuse, professionnelle. Et nous voyons précisément aujourd'hui que l'éducation de la personnalité dans son intégralité, l'éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l'homme, est la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute réconciliation et d'exclusion de la violence. L'éducation devant Dieu et devant l'homme : c'est l'Ecriture Sainte qui nous indique la direction de l'éducation et ainsi, du véritable humanisme.


Lire le texte intégral de l'Audience Générale du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

J
Jérôme était un amoureux de la Bible ; bravo ! Mais il en était quand même un grand tripatouilleur !Un exemple : le verset Genèse 3,15 où Dieu parle au serpent et dont le texte français de la BJ est : Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon.En HÉBREU : ve’eybah ashit beynekha oubeyn haishah ouveyn zare’akha oubeyn zare’ah hou yeshouphekha rosh veatah teshouphenou ’aqev.Le mot hou’ se rapporte manifestement au mot zara’, lignage (tous deux de genre MASCULIN). Parfait !Dans la Septante EN GREC : kaiekhthran theso ana meson sou kai ana meson tes gunaikos kai ana meson tou spermatossou kai ana meson tou spermatos autes autos sou teresei kephalen, kai sutereseis autou pternan.Le mot équivalent à hou’ est autos (de genre MASCULIN) alors que le mot équivalent à zara’ est sperma, (de genre NEUTRE) ! Le mot autos ne se rapporte donc… à RIEN ; le seul mot masculin du texte est ophis, le serpent !Dans la Vulgate de Jérôme en LATIN : inimicitias ponam inter te et mulierem et semen tuum et semen illius ; ipsa conteret caput tuum et tu insidiaberis calcaneo eius Le mot équivalent à hou’ est ipsa (de genre FÉMININ) alors que le mot équivalent à zara’ est semen (de genre NEUTRE). Le mot ipsa ne peut donc se rapporter qu’à mulierem, la femme.Que voulait l’auteur de la Septante ? Attribuer la victoire sur le serpent à un homme ? Peut-être ; c’est en tout cas ce qu’ont compris un certain nombre de commentateurs chrétiens !Que voulait saint Jérôme ? Attribuer la victoire à la femme ? Peut-être ; c’est en tout cas ce qu’ont compris un certain nombre de commentateurs chrétiens, encore plus nombreux que les précédents. C’est alors la femme qui écrase la tête du serpent et non pas son lignage et ce « tripatouillage » a engendré une partie non négligeable de la mariologie : Marie nouvelle Ève et les représentations de la Vierge écrasant la tête du serpent.Autre point : la fin du texte hébreu comporte deux fois le verbe shouph, blesser.La traduction française de la BJ utilise deux verbes différents mais du même ordre : écraser et atteindre. La Vulgate utilise aussi deux verbes, mais très différents :contero (détruire) et insidior (guetter, tendre un piège).La Neo-Vulgate en latin de 1979 : inimicitias ponam inter te et mulierem et semen tuum et semen illius ; ipsum conteret caput tuum, et tu conteres calcaneum eius”.Elle rétablit le parallèle avec le texte original cohérent : c’est le lignage de la femme qui écrasera la tête du serpent.Cela d’ailleurs n’a pas empêché les mariologues de continuer à y voir une image de Marie nouvelle Ève !Il y a bien d'autres exemples comme celui-là.
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