Le Père Louis Bouyer nous parle de l’importante distinction qu’il convient d’établir entre la foi, le dogme et la théologie, et la manière dont les trois notions s’articulent ensemble.
Je dirais que la foi, à travers l'expression première dans la Parole de Dieu vivante des prophètes, des apôtres et du Christ, va directement à l'objet même de cette Parole, lequel dépasse, même dans cette énonciation inspirée, révélée, l'expression pour atteindre la réalité fondamentale.
Cette foi en la vérité directement révélée ne peut pas se séparer dans l'Eglise de l'effort fait pour la comprendre, c'est-à-dire pour la relier à tout l'ensemble de notre connaissance, à l'unité même de notre conscience d'être vivants dans le monde et l'histoire. C'est là que prend place le travail théologique qu'on ne peut jamais isoler (...) du travail d'assimilation de la vérité dans la vie de l'Eglise.
Mais la théologie elle-même demande constamment à être vérifiée, jugée par la conscience de l'Eglise telle qu'elle s'exprime dans les décisions du Magistère, et plus généralement aussi dans toute la réaction du sens chrétien des fidèles quand il est unanime. Les dogmes sont les formulations qui expriment ces jugements et qui serviront ensuite de guides aux théologiens postérieurs dans l'interprétation de la Parole de Dieu, en leur montrant les voies à éviter et en leur indiquant, surtout par exclusions mutuelles, la voie du développement fructueux et fidèle.
Il faut donc bien distinguer la Révélation du travail théologique. La foi de l'Eglise et de chacun peut atteindre directement l'objet de la Révélation qui est Dieu même, communiquant sa vie. De cette expression première et inspirée de la Révélation découle le travail théologique, qui vient après et en est l'explication professionnelle si l'on peut dire. Ce travail, qui se fait dans tout le Corps de l'Eglise, doit être lui-même distingué des définitions dogmatiques qui permettent, elles, au Magistère d'authentifier le travail théologique, en disant s'il est accompli sous la poussée de l'Esprit, ou s'il n'est au contraire que le résultat du péché et de l'erreur humaine.
Louis Bouyer, « Le métier de théologien », Editions France-Empire, 1979.