30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 17:08

A l’occasion de deux de nos « joutes » estivales, Miky a soulevé la question de la pertinence de la théologie naturelle. Je souhaiterais revenir sur ce sujet, en synthétisant le contenu de nos échanges.

Selon Miky, la théologie naturelle serait une entreprise vaine. Pour deux raisons. D’abord parce qu’elle présuppose la foi. Ensuite parce qu’elle ne serait pas convaincante objectivement.

Je rappelle que l’expression « Théologie naturelle » s’applique à la démarche intellectuelle qui consiste à « connaître Dieu à partir de l’expérience du monde » (Définition Wikipedia).

Reprenons donc ces deux objections de Miky.

1. La première objection soulevée par Miky est la suivante : « Tu dis que la théologie présuppose la foi. Heureux que tu le reconnaisses enfin ! Mais maintenant dis moi : à quoi bon faire de la théologie naturelle pour montrer que Dieu existe, puisque la théologie présuppose la foi et que la foi présuppose la croyance en l'existence de Dieu, ce que la théologie naturelle entends justement montrer. Tu n'as pas l'impression que c'est un peu circulaire ? » (Cf. "La vérité de la foi", commentaire n°9)

La question est excellente.

La théologie naturelle présuppose-t-elle la foi ? La réponse est clairement OUI, car comme son nom l’indique, elle est une théologie, c’est-à-dire, selon la définition de Wikipedia, « la science de la Révélation fondée sur l'étude des textes religieux, leur interprétation, dans le but d'éclairer le croyant ou le fidèle sur la façon d'agir ou de croire selon sa religion ». Elle est donc œuvre de croyants à l’usage de croyants.

Comme le rappelait le Pape Benoît XVI à la Commission théologique internationale, dans son discours du 1er décembre 2005 : « La révélation du Christ est (…) le principe normatif fondamental pour la théologie. Celle-ci s'exerce toujours dans l'Eglise et pour l'Eglise, Corps du Christ, sujet unique avec le Christ, et ainsi, également dans la fidélité à la Tradition apostolique. Le travail du théologien doit donc se dérouler en communion avec la voix vivante de l'Eglise, c'est-à-dire le Magistère vivant de l'Eglise, et sous son autorité. »

Très bien, dira Miky. Mais dans ce cas, si la théologie présuppose la foi, alors… la démonstration de l’existence de Dieu à partir de l’univers créé s’en trouve nécessairement viciée, puisque l’on cherche en définitive à démontrer l’existence même… de ce que l’on présuppose ! Que la théologie naturelle parvienne à la conclusion de l’existence de Dieu n’a dès lors rien d’étonnant, puisque l’existence de Dieu est précisément son postulat de départ. Une lecture croyante de l’univers ne peut donc prétendre à l’objectivité, ni à l’universalité ; elle est et sera toujours et par nature « orientée », « déviée », « déformée » au gré des conclusions auxquelles elle voudra parvenir pour démontrer la validité de ses préjugés, et ne pourra convaincre en fin de compte que les croyants eux-mêmes.

C’est ce qu’exprimait fort bien Miky dans son article Science ou métaphysique : il faut choisir :

« Toute théologie cohérente ne peut être qu’
a priori, et non pas a posteriori. Comme je pense l’avoir montré, la théologie naturelle n’offre pas d’alternative véritable entre l’existence ou l’inexistence de Dieu. Ou bien le monde n’est pas Dieu (il n’est pas nécessaire, pas immuable, etc.), donc Dieu existe. Ou bien le monde est Dieu, donc Dieu existe. Voilà en gros en quoi consiste le raisonnement proposé par cette théologie naturelle, qui n’est donc pas a posteriori, contrairement à ce que l’on pourrait penser, mais se ramène bien à une théologie a priori (quoique de manière cryptique), comme celle de Saint Anselme, car elle conclut à l’existence de Dieu quelque soit l’état du monde, et donc n’a réellement que faire du monde… Seul Dieu l’intéresse, dont les qualités en font le seul être possible, en vertu de son essence, à pouvoir exister sans être causé par un autre et à exister nécessairement s’il existe possiblement (…). Dieu, que l’on a introduit inconsciemment au début ressort explicitement à la fin du « raisonnement ». Mais si on n’introduit pas Dieu au début du « raisonnement », on ne conclut pas Dieu à la fin de ce dernier. »

A ceci, je répondrais que : OUI, la théologie naturelle est une œuvre de croyant ; d’un croyant habité par la Parole de Dieu en laquelle il croit, et qui lui enseigne que « les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains » (Psaume 18). Par l’activité théologique, le croyant s’efforce « de déceler les traces de la Sagesse divine dans l’œuvre même de la Création » ainsi que je l’écrivais naguère. Il a chaussé pour cela les lunettes de la foi, lunettes que Miky jugera pour le moins… « déformantes », mais qui donnent au croyant de découvrir, à son grand éblouissement, des raisons de croire qu’un non croyant, qui en est dépourvu, aura bien du mal à percevoir.

Pourquoi les raisons de croire du chrétien exercent-elles si peu d’impact sur ceux qui ne sont pas illuminés par la grâce de la foi ? (nous reviendrons dans un prochain article sur ce caractère peu convaincant de la théologie naturelle : c’est la 2e objection de Miky). Sans doute parce que ces raisons sont comparables, pour les non croyants, à des vitraux sans soleil. C’est ce que laissait entendre Henri Bergson à Jean Guitton :
« Vous avez bien de la chance, vous, d’être nés dans une religion. Quand on ne l’est pas, on se trouve un peu dans la situation du personnage qui regarde des vitraux de l’extérieur de l’église ».

La foi, qui est à l’origine de la démarche théologique, ne vient donc pas
déformer notre vision de la réalité en suscitant artificiellement des raisons de croire conçues sur mesure et pour les besoins de la cause ; elle vient tout au contraire donner à notre intelligence la faculté d’en percevoir toute la valeur. Elle jette, pour ainsi dire, une lumière céleste sur le vitrail de notre intelligence, laissant transparaître nos raisons de croire dans leur sublime cohésion et leur fondamentale pertinence.

Dès lors, le théologien naturel qui cherche les traces de son Dieu dans l’œuvre de la Création va faire une découverte étonnante, capitale, et de très grande portée pour lui : celle de la
profonde rationalité de sa foi. Non seulement, la raison ne va pas l’éloigner de la foi, mais elle va au contraire la fortifier puissamment, en lui apportant un aliment supplémentaire qui lui donnera d’aimer son Dieu de tout son cœur et de toute son âme, mais aussi de toute son intelligence et de toute sa force.

Comme l’écrivait le regretté Cardinal Jean-Marie Lustiger dans son ouvrage
« Le choix de Dieu » : à partir du moment « où l’homme est fait pour Dieu et où Dieu donne à l’homme raison, liberté et intelligence, Dieu donne à l’homme le pouvoir de le reconnaître. Au nom même de la foi, le croyant est amené à affirmer le pouvoir de la raison humaine. C’est extraordinaire ! »

Ou comme disait encore le philosophe Pascal : « Si on soumet tout à la raison, notre religion n’aura rien de mystérieux et surnaturel. Mais si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule ».

Voilà pourquoi il me paraît important de réfléchir sur les questions de théologie naturelle : pour permettre aux chrétiens
d’enraciner leur foi dans la raison, et de satisfaire ainsi aux légitimes requêtes de leur intelligence ; mais aussi (et cela répondra à la question "à quoi bon?") pour les inciter à entrer en dialogue avec les incroyants, surtout et en particulier avec ceux qui se prétendent amis de la raison.

Dans ce dialogue avec les incroyants, la démarche philosophique sera d’un grand secours, car il ne s’agira plus alors de faire de la théologie naturelle, mais d’entrer dans la « peau » du sceptique, et d'essayer de le rejoindre au lieu même de son scepticisme pour essayer de l’en faire « remonter ». Non pas à coup de citations bibliques, ni par je ne sais quel prosélytisme irrespectueux. Mais par le moyen de la raison. En refaisant avec lui le chemin inverse que celui parcouru dans son propre cheminement spirituel : non plus le chemin "descendant" de la foi à la raison (emprunté par la réflexion théologique naturelle), mais le chemin "montant" de la raison à la foi (au moyen du raisonnement métaphysique qui part de l'observation du monde sans autre présupposé que la seule réalité de l'univers)
.

Ce chemin « montant » restera cependant ardu et difficile pour quiconque n’a pas la foi. Il nous faut donc examiner maintenant la question de savoir pourquoi les arguments de la théologie naturelle sont si peu convaincants aux yeux du non croyants, et si cette faiblesse congénitale, pourrait-on dire, la rend vaine, et par suite inapte à toute entreprise d’évangélisation.

(à suivre…)

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Publié par Matthieu -
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commentaires

A
BON MARDI MATHIEU  !  que Dieu vous benisse !
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